© Tom Fecht, 2014 courtesy Galerie Downtown, Paris
Panayiotis Vassilakis, dit TAKIS, est l’une des personnalités les plus importantes de la scène artistique grecque et internationale. Pionnier de l’art cinétique, Takis a déployé son talent artistique après la fin de la Seconde Guerre Mondiale et a été renommé ayant offert une approche différente de l’art cinétique. Artiste autodidacte par conviction, il parvient à créer un lien indissoluble entre l’art et les sciences en combinant des éléments de la nature et de la physique dans sa sculpture. Takis comme “gai laboureur des champs magnétiques …” continue jusqu’à aujourd’hui d’expérimenter et de créer des œuvres d’art cinétiques qui ont inspiré des peintres, sculpteurs et poètes de sa génération ainsi que ses contemporains.
Νé en 1925 à Athènes, son enfance et son adolescence sont marquées par des guerres successives dont la Grèce a souffert, telles que l’occupation allemande et italienne et la guerre civile. La prospérité financière de sa famille avait déjà été touchée depuis 1922, période de la catastrophe de l’Asie Mineure.
Βien que sa famille n’accepte pas son flair pour les beaux-arts, il commence sa carrière artistique vers l’âge de 20 ans, dans un atelier au sous-sol. C’est à cette époque qu’il découvre les œuvres de Picasso et de Giacometti. En 1952, il crée son premier atelier à Anakasa d’Attique avec l’aide des amis de son enfance, les artistes Minos Argyrakis et Raimondos. Les premières œuvres de Takis sont des bustes en platre et des sculptures en fer forgé, inspirées de la civilisation grecque antique, ainsi que de l’œuvre des artistes tels que Picasso et Giacometti.
À la fin de 1953, il part pour Paris. En 1954, atteignant Paris, il rejoint pendant quelques mois l’atelier de Brancusi. Pendant les trois années suivantes il voyage pour vivre entre Paris et Londres, ces deux villes devenant sources d’inspiration pour ses premières œuvres cinétiques. Impressionné par les radars, les antennes et les constructions technologiques qui ornent la gare de Calais, en France, il crée ses premiers Signaux, qui sont d’abord rigides et après comportent des signaux lumineux sur leur sommet, tout en changeant graduellement de forme. En posant sur leurs sommets des feux d’artifices, il réalise des happenings divers sur les places de Paris. Ses Signaux deviennent souples, ornés des soi-disant objets trouvés, bercés par le souffle du vent, tandis que lorsqu’ils se touchent ils produisent des sons uniques, donnant le sens du mouvement des cordes de la harpe et sa propre mélodie.
© Takis Foundation Archives photo :
De 1955 jusqu’à la fin de 1965, Takis, en tant que genie artistique, a expérimenté tous les éléments de l’environnement et de la nature qui nous entourent, mais nous sommes incapables de les localiser à l’œil nu. Ces éléments formeront la base de son chemin artistique et de son exploration et c’est grâce à tout cela qu’il se distingue, se démarque et innove. Il explore les forces magnétiques et l’énergie des champs magnétiques, qui sont l’un des fondements de son oeuvre dans sa recherche artistique. Il expérimente l’électricité, le son et la lumière, ceci étant également entrepris par d’autres artistes de la génération des nouveaux-réalistes des années 1960 à Paris. Ainsi, à travers son art, il rend visibles tous ces éléments invisibles. Influencé par tout ce qui a été susmentionné, mais aussi par les pouvoirs cosmiques et la communication avec l’infini, il crée des Télésculptures et des Télépeintures, des Télélumières, des Cadrans et des Musicales. A cette époque il voyage assez souvent dans tous les grands centres artistiques et métropolitains du monde. Un vrai exemple est son premier voyage aux États-Unis en 1961, où il rencontre Marcel Duchamp, qui deviendra plus tard un bon ami.
L’an 1960 devient une année culminante de cette période, lorsque Takis effectue la performance intitulée “L’impossible – Un Homme dans l’espace” en collaboration avec son ami poète sud-africain Sinclair Beiles. La performance a eu lieu à la galerie Iris Clert à Paris, au cours de laquelle Sinclair Beiles a lu son célèbre manifeste magnétique: “Je suis une sculpture …Il y en a d’autres sculptures comme moi. La principale différence est qu’elles ne peuvent pas parler … Je voudrais voir que toutes les bombes nucléaires sur la terre transformées en sculptures …”. On le voit ensuite “lancé dans l’air” momentanément flottant grâce à la force du champ magnétique créé par un aimant qui s’attache à sa ceinture.
En 1968, il déménage a Massachusetts où il a été invité bénéficiant d’une bourse d’études en tant que chercheur de l’Université du MIT et plus précisément du Centre for Advanced Visual Studies. Là, il crée une série de sculptures électromagnétiques. Il étudie l’énergie hydrodynamique et donne forme à son inspiration intitulee Oscillation of the Sea (Oscillation de la mer), alors qu’il crée une série de Sculptures Hydromagnétiques. Radical et subversif, il participle à cette époque comme co-fondateur de l’union Coalition des Travailleurs de l’Art dans le but de défendre les droits des artistes contre l’exploitation par les galéristes, les curateurs et les musées. Un fait caractéristique de cette démarche est son invasion au MOMA afin de retirer son oeuvre avant que la sécurité du musée ne réagisse. Ce mouvement symbolique devient une page d’accueil dans le New York Times.
En 1974, de retour à Paris, il commence à créer ses sculptures Érotiques. “La force d’attraction est le dénominateur du magnétisme et de l’érotisme. En 1974, Takis en fait l’equitation dans une serie de bronzes realisés à partir de moulages” (Takis, Monographies, Erotique, p.203).
En 1986, de retour en Grèce il fonde le Centre de Recherche pour l’Art et les Sciences à Gerovouno, Attique, dont l’inauguration officielle a lieu en 1993.
© Takis Foundation Archives
Étant un artiste aux multiples facettes, il s’ impose par sa célèbre Quatrième Dimension, une force invisible créée par les champs magnétiques qui nous entourent et se diffusent dans l’espace.
En dépit du fait qu’il est reconnu pour ses sculptures cinétiques, Takis est également pionnier dans la création de scénographies, des arrangements musicaux pour des pièces de théâtre et des performances. Des exemples typiques sont ses collaborations avec Costa Gavras pour le film Section Spéciale en 1975, avec Michael Cacoyannis pour le spectacle Electra de Sophocle dans le théâtre antique d’Epidaure en 1983, avec Nam June Paik en 1979, avec Joelle Léandre et la danseuse Martha Zioga pour la performance “Ligne Parallèle Erotique” en 1986 ainsi qu’avec Barbara Mavrotalassitis pour la performance “Isis Awakening” (L’éveil d’Isis) en 1990.
Dans l’ensemble, tout au long de sa carrière, Takis continue d’explorer les limites et les intersections de la perception artistique et scientifique, ainsi que la musique, les sons et surtout les images en mouvement.
Artiste moderne et d’avant-garde, Takis suit un chemin artistique qui est exposé aux quatre coins du monde, avec des racines dans une tradition sculpturale allant de la sculpture grecque antique, de Giacometti et jusqu’aux objets technologiques et aux constructions de l’ère moderne. Ses oeuvres ornent les collections permanentes de musées les plus importants du monde comme le Centre d’art contemporain Georges Pompidou Centre à Paris, le MOMA et le Guggenheim Museum de New York, le De Menil Collection à Houston, la Tate Modern de Londres, la Peggy Guggenheim Collection à Venise. En France, le Musée du Jeu de Paume, le Palais de Tokyo et la Fondation Maeght ont organisé de grandes expositions rétrospectives consacrées à l’artiste. Son travail est également exposé dans les jardins de l’UNESCO à Paris et à La Défense, où le gouvernement français lui accorde le plus grand espace public jamais attribué à lun artiste dans l’histoire parisienne, c.-à-d. 3500m² pour une “forêt”» de 49 Signaux Lumineux. Il a également participé deux fois à Documenta à Kassel, une fois à la Biennale de Venise et en 1985 à la Biennale de Paris, où il a reçu le premier prix. En 2001, le Parlement européen attribue à K.E.T.E. une plaque honorifique pour la contribution de l’artiste dans le domaine des énergies renouvelables et pour ses œuvres Barils électriques.
Lorsqu’en 1960, Takis présenta, à la galerie Iris Clert, son Homme dans l’espace, cette installation spectaculaire utilisant les ressources du magnétisme représenta une sorte de collision entre trois univers : le monde de l’art, celui de la science et la réalité contemporaine…Cette révolution dans le domaine de la sculpture ne naquit pas d’une critique de définitions conceptuelles, mais d’une investigation des matériaux. Cette première réalisation exploitant le magnétisme apparut comme une véritable percée, car elle résolvait par un brillant paradoxe les recherches entreprises par Takis. En condensant de l’énergie pure, sans rien donner à voir ou à toucher pour autant, le magnétisme ménageait une faille, un vide dans l’espace et révélait la présence de la matière par son absence même, tout en démontrant que la matière est énergie.
Guy Brett
La mythologie existe, puisque j’y vis : elle est ma nature, ma culture, mon atmosphère et mon atelier… C’est ainsi que pourrait parler Takis, le dernier des grands aèdes grecs. Il vit son art comme un personnage de légende vit son propre destin. Il est à la fois Dédale et Orphée, architecte-ingénieur et poète-musicien… Toute l’œuvre de Takis est centrée sur l’imagination de l’espace, sa musique et son infini. L’homme échappe la gravite par la toute-puissance de l’art, qui est autant amour que science…Le voilà bien l’éternel Takis, le génie illimite.
Paris, Mai 1983Pierre Restany
Takis n’a jamais séparé le scientifique de l’artiste, car tous deux obéissent au commandement commun du destin: par la recherche, révéler l’inconnu. Ainsi, il construisit une théorie du rôle du magnétisme dans la création d’œuvres d’art, se fit un grand prêtre du magnétisme et et il a développé en comparant les perceptions religieuses et philosophiques du monde, de l’Univers et des propriétés magnétiques de l’œuvre. L’effort de Takis est unique, puisqu’il est le premier artiste international à identifier le phénomène et à tenter de l’appliquer en termes d’esthétique.
Yiannis Kolokotronis